Recettes  

L'art du braisé

Si la cuisine d’hiver avait une odeur, ce serait celle d’un pot-au-feu mijoté longuement. Quoi de plus réconfortant qu’un bouillon fumant, avec des morceaux de viande qui se détachent à la fourchette ? Pour que nous nous régalions pendant les mois plus froids, Christina Blais nous dévoile les secrets du braisé parfait.

Qu'est-ce qu'un braisé ?

Le braisage est la technique qu’on utilise pour attendrir les coupes de viande coriaces, comme celles qui proviennent des régions de l’épaule, du jarret et de la poitrine. Le principe est simple : on cuit une viande (agneau, bœuf, porc, veau) en milieu clos, dans un peu de liquide (bouillon, vin, eau) après l’avoir bien fait brunir dans un peu de gras, jusqu’à ce qu’elle soit très tendre et s’effiloche à la fourchette. Si le mot « braiser » fait penser à de la braise, c’est qu’il tire son origine de l’époque où l’on cuisait le plat sur celle-ci. On en plaçait même sur le couvercle, afin que la préparation cuise des deux côtés en même temps. Aujourd’hui, même si la braise a disparu de nos cuisines, le mot « braiser » fait toujours partie de notre vocabulaire, bien qu’on utilise aussi le terme « mijoter », moins précis, qui renvoie à n’importe quelle recette liquide qui cuit doucement à petit feu.

Pourquoi la viande s’attendrit-elle à la cuisson ?

C’est à cause du collagène, un tissu très élastique présent dans tous les muscles, en quantité plus ou moins importante. Un peu à la manière d’une gaine, il entoure les fibres musculaires de la viande pour les maintenir ensemble. Plus un muscle est exercé, plus il a besoin de collagène pour l’aider à mieux faire son travail. Lors de la cuisson, la chaleur dégrade le collagène, qui se transforme en gélatine. C’est un peu comme si on prenait des ciseaux et qu’on coupait les élastiques en mille petits morceaux. Par conséquent, les fibres musculaires se détachent les unes des autres, et la viande se défait, comme par magie. La gélatine nouvellement formée enrichit le liquide de cuisson et donne une texture moelleuse en bouche.

Une cuisson, trois vitesses

Le temps nécessaire pour attendrir la viande dépend de la température du milieu de cuisson. Plus elle est élevée, moins on aura besoin de temps pour dégrader le collagène en gélatine. Par contre, la vitesse a un prix : la jutosité de la viande. Car plus la chaleur est élevée, plus elle perdra de son jus. Selon la méthode de cuisson qu’on choisit, on peut avoir un pot-au-feu prêt à servir à nos invités en 30 minutes, en 3 heures ou en 8 heures.

› Option 30 minutes
Le cuiseur sous pression

Dans un autocuiseur de type Presto, la température du bouillon peut atteindre jusqu’à 120 °C (248 °F), soit plusieurs degrés au-dessus de la température normale d’ébullition. Résultat : le collagène se transforme très rapidement en gélatine. Le temps de cuisson varie selon la grosseur des pièces de viande. On peut attendrir des cubes à ragoût en 15 minutes seulement (génial pour un souper vite fait !) ou un rôti pour un pot-au-feu en moins de 45 minutes. Cette technique a l’avantage d’être la plus rapide, mais donne une viande plus sèche, puisqu’elle perd davantage de son jus.

› Option 3 heures
La cocotte au four ou sur le feu

La température dans un faitout qui mijote, à couvert, au four ou sur le feu, oscille idéalement entre 85 °C (185 °F) et 90 °C (195 °F).On aura alors besoin de 2 à 3 heures pour attendrir la viande, selon la grosseur des pièces. Pour une viande juteuse, on doit éviter l’ébullition en réglant le feu de la cuisinière à son plus bas niveau, ou on cuit au four entre 135 °C (275 °F) et 150 °C (300 °F). Certains ne jurent que par une cuisson dans un four à 95 °C (200 °F). Le résultat est excellent, mais on doit être patient, car on aura besoin du double de temps de cuisson. On prend bien soin de choisir une cocotte avec un couvercle qui ferme bien, pour éviter de perdre trop de liquide par évaporation. L’idéal, c’est une cocotte en fonte émaillée, car elle retient bien la chaleur et la répartit de manière uniforme.

› Option 6-8 heures
La mijoteuse

La mijoteuse est la technique la plus pratique, car elle se fait presque sans surveillance. Et surtout, elle donne une viande succulente à tout coup. Pourquoi ? La température du bouillon dans une mijoteuse dépasse rarement 75 °C (170 °F) à 80 °C (175 °F). Grâce à la chaleur très douce, la viande retient davantage de jus qu’avec les autres méthodes et est moins sèche en bouche. Selon la grosseur de la coupe, on doit calculer jusqu’à 8 heures de cuisson pour attendrir la viande.

Cubes de viande

LES BONNES COUPES de boeuf À BRAISER

rechercher la mention « à mijoter » ou « pour pot-au-feu » inscrite directement sur l’étiquette, sous le nom de la coupe. Sinon, on peut choisir parmi les coupes suivantes, souvent bon marché :
› Bifteck ou rôti d’épaule
› Bifteck ou rôti de côtes croisées
› Bifteck ou rôti de palette, de haut de palette ou de bas de palette
› Cubes à ragoût (et non pas à fondue bourguignonne)
› Rôti de pointe de poitrine

Des astuces pour réussir son braisé

1/ Brunir les pièces de viande
avant d’ajouter le liquide

Le brunissement se produit à la suite de réactions chimiques entre les sucres naturellement présents dans la viande et les protéines. C’est ce qu’on appelle la réaction de Maillard. Grâce à cette coloration, on obtient une sauce de couleur plus riche, et bien goûteuse. On brunit les cubes par lots, pour éviter de surcharger le fond de la cocotte et faire bouillir plutôt que rôtir.

2/ Jauger le liquide

Quand on ajoute trop de liquide, on dilue la saveur de notre braisé, et on obtient une sauce qui manque de corps et de goût. On évite donc de noyer la viande, surtout parce qu’on sait qu’elle perd environ le tiers de son poids en jus pendant la cuisson, et que ce jus vient s’ajouter au jus de cuissonv. On ajoute assez de liquide pour arriver à la moitié de la hauteur de la viande, pas plus.

3/ Vérifier la cuisson

Quel que soit le mode de cuisson, le braisé est prêt lorsqu’on peut défaire la viande facilement avec une fourchette, qu’elle ne résiste pas. C’est signe que le collagène s’est transformé en gélatine et que les fibres ne sont plus liées entre elles. On vérifie la cuisson souvent, à compter du début de la plage du temps de cuisson précisée dans la recette. La viande est encore coriace ? Pas de problème, on poursuit simplement la cuisson. Elle est tendre ? On retire du feu pour éviter de trop la cuire et de l’assécher.

4/ Servir la viande dans sa sauce

Les viandes braisées perdent beaucoup d’eau pendant la cuisson et ont tendance à s’assécher si elles sont exposées à l’air. Pour contourner ce problème, on les laisse baigner dans leur jus de cuisson, autant au moment de servir que pendant leur conservation, au froid. D’ailleurs, les braisés sont souvent meilleurs le lendemain, car la viande réabsorbe un peu du jus de cuisson durant l’entreposage.

Christina Blais

Pour Christina Blais, vulgariser la chimie des aliments est simple comme de préparer une bonne omelette. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en nutrition, elle a enseigné les cours de «Science des aliments» et de «Salubrité alimentaire» au Département de nutrition de l'Université de Montréal pendant plus de 30 ans. Depuis 2001, elle présente le fruit de ses expériences avec Ricardo dans le cadre de l’émission de télé de celui-ci, sur les ondes de Ici Radio-Canada Télé. Les curieux peuvent lire ses chroniques Chimie alimentaire sur le site web de Ricardocuisine. Suivez-la aussi sur @Encuisineavecchristinablais sur Facebook.





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